Sera-t-il l’homme de Rio ?
Depuis le temps qu’on le désignait aux honneurs suprêmes, il fallait bien que cela arrivât enfin ! A 21 ans et demi, Stefan Küng est devenu champion du monde de poursuite individuelle et cette fois la fiction rejoint la réalité. Une grande consécration pour le talentueux Thurgovien (1m92), déjà troisième en 2013 et deuxième l’an passé, et qu’on avait découvert et apprécié comme junior déjà au Tour du Pays de Vaud en 2011 (vainqueur en solitaire à Penthaz et 3ème du classement final). Ces qualités exceptionnelles de rouleur et cette puissance de train qu’on avait décelées à cette occasion, nous avaient immédiatement fait penser à Cancellara, lui aussi révélé par la catégorie des juniors et le TPV en 1998 et 1999.
Depuis lors, Stefan n’a cessé de progresser physiquement et techniquement et de s’améliorer dans tous les secteurs de la compétition, à la fois à l’aise sur route et sur piste. Comme junior, champion de Suisse du chrono et champion d’Europe de madison avec le Vaudois Théry Schir ; comme M23, double champion d’Europe de poursuite individuelle et par équipes, vainqueur du Tour de Normandie, champion national de poursuite et du chrono, vice-champion du monde de poursuite individuelle, battu l’an passé de seulement 413 millièmes par l’Australien Edmondson ! Et puis encore double médaillé d’or contre la montre et en ligne à l’occasion des championnats d’Europe sur route organisés à Nyon en juillet 2014, avant la médaille de bronze du chrono des championnats du monde sur route à Ponferrada.
Un palmarès déjà impressionnant et qui ne cesse de s’étoffer. La carte de visite d’un champion en devenir, sympathique et jovial, ouvert et respectueux, mais totalement concentré sur son nouveau métier depuis qu’il est entré le 1er janvier 2015 dans l’équipe Espoirs de BMC. Où s’arrêtera Stefan Küng ? Bien malin celui qui peut le dire, tant le potentiel de ce superbe athlète, sa gestion des évenements, autorisent tous les espoirs. Jadis on a bien vu un certain Indurain gagner cinq fois le Tour de France ! Il est vrai que le contexte n’est plus tous à fait le même et qu’il vaut mieux rester prudent avec les pronostics…
Qu’importe, la médaille d’or de Stefan Küng rejaillit sur tout le cyclisme suisse et surtout sur ceux qui se dévouent corps et âme depuis une décennie pour faire revivre les dicisplines de la piste en Helvétie et redonner du lustre à une activité qui était en perdition. Là où ont échoué jadis (sur 5 km il est vrai) des champions professionnels confirmés comme Koblet (en 1951 et 54 face aux Italiens Bevilacqua et Messina) ou des spécialistes comme René Strehler (en 1955 face à Messina) et Willy Trepp (en 1960 et 61 face à l’Allemand Altig), le jeune Küng a réussi son pari, apportant cette confirmation qu’on espérait et attendait depuis des lustres.
La réussite de Stefan Küng met en lumière le travail de formation effectué en amont. Elle n’est pas sans rappeler les exploits de l’amateur lucernois Xaver Kurmann, champion du monde sur 4 km en 1969 et 70 et aussi l’expoit du Valaisan Robert Dill-Bundi, sacré champion olympique de la spécialité aux JO de Moscou, en 1980. Une performance inoubliable qui doit trotter dans la tête du nouveau champion du monde, lequel a fait des JO de Rio, en 2016, l’un des grands objectifs de sa carrière. On ne peut que lui souhaiter de parvenir à ses fins à titre personnel et avec l’équipe de Suisse de Daniel Gisiger (Schir, Bohli, Beer, Thièry, Suter, Pasche, Dillier, etc) qui se bat admirablement sur toutes les pistes du monde pour obtenir elle aussi son ticket pour le Brésil.
Bertrand Duboux