En 1992, Olivier Wanner remportait le Grand Raid entre Verbier et Grimentz au guidon d’un Cilo de 12,5 kg. Retour sur les évolutions des VTT en 20 ans.

 

"Ce vélo, c'était ce qui se faisait de mieux à l'époque", explique Olivier Wanner.

« Ce vélo, c’était ce qui se faisait de mieux à l’époque », explique Olivier Wanner.

Difficile de rater ce vélo jaune et rose fluo lorsque l’on franchit le pas de porte de Wanner Cyles à Orbe. Un Cilo qui trône à deux mètres du sol, au-dessus du comptoir. Le vélo utilisé par le patron, Olivier Wanner, lors de sa victoire entre Verbier et Grimentz en 1992.

«Je me souviens bien de cette journée d’août 1992, avec les Breu, Jaccard, Perakis, Siegenthaler ou Schneider », explique Olivier Wanner qui passera la ligne d’arrivée du Grand Raid en vainqueur. « On était monté la première bosse jusqu’à la Croix de Coeur comme des fous. Beat Breu n’était pas descendu du grand plateau », détaille-t-il.

Philippe Perakis avait attaqué dans la descente sur la Tzoumaz et personne ne l’avait revu avant les longues traversées entre Eison et l’A Vieille. « Il était cuit. Dans la descente sur Grimentz, j’étais sous pression, car c’était un excellent descendeur. Mais finalement c’était Pascal Jaccard qui avait fait deuxième. » Temps du vainqueur : 6 h 50. Le tout au guidon d’un vélo de 12,5 kg.

Aujourd’hui, exposée au coin de ce magasin du centre d’Orbe, cette machine permet de mesurer l’évolution du VTT en vingt ans. «Ce vélo, c’était ce qui se faisait de mieux à l’époque chez Cilo. Nous avions une grosse équipe et lorsque nous allions à l’étranger, en France notamment, je n’aurais eu aucun mal à le vendre à chaque fois. » Aujourd’hui, pour établir une comparaison, Olivier Wanner a sorti un Specialized Stumpjumper 29″ S-Works de son exposition, autre machine dont le nom reste associé à l’histoire du mountain bike. Dans sa version 2013, ce vélo affiche 8,1 kg sur la balance, soit quatre et kilos et quatre cents grammes de moins que le Cilo.

Cadre et roues

En 1992, le Cilo bénéficiait de l’un des premiers cadres aluminium « 7000 » du marché. « C’était juste dur, mais ni léger, ni rigide, ni confortable », se souvient Olivier Wanner. Rien à voir avec le cadre carbone du « Spé » 2013. «Léger, le carbone permet aussi de mettre de la rigidité là où on en a besoin et du confort ailleurs ». Le Cilo était évidemment muni de roues de 26’’ tandis que le Stumpjumper bénéficie de roues de 29’’ avec leurs avantages : meilleur franchissement des obstacles, traction améliorée à la montée et davantage de sécurité à la descente. Sur le Cilo, Olivier Wanner avait monté des pneus… Specialized. « Des Crossroad », se souvient le vainqueur du Grand Raid. « J’avais pu les tester “en douce” et c’était mon choix. Un bon choix à mon avis, je pourrais encore rouler avec aujourd’hui. »

Reste que les pneumatiques ont tout de même évolué en vingt ans et on ne parlait pas de tubeless à l’époque. « Du coup, on gonflait beaucoup les pneus, à quatre bars et quelques, pour éviter de pincer la chambre à air ». De nos jours, le montage tubeless permet de se limiter à deux bars et de ne pas « rebondir sur chaque caillou », comme nous le confiait un autre vainqueur du Grand Raid, le Français Thomas Dietsch.

Les premières suspensions…

Le Cilo d’Olivier Wanner et de ses coéquipiers était équipé de l’une des premières fourches à suspension, la Manitou I, concurrente de la RockShox. «C’était une fourche à élastomères, avec un peu moins de quatre centimètres de débattement. Et nous, les coureurs, n’en voulions pas », se souvient Olivier Wanner. «Nous estimions que le pompage et le poids diminuaient le rendement.» Là aussi, un énorme chemin a été parcouru. Plus personne ou presque ne met en doute le bénéfice d’une fourche télescopique et la RockShox du Stumpjumper offre 90 mm de débattement. Elle est en outre équipée du système « Brain » qui permet à la fourche de ne pas « pomper » en ne réagissant qu’aux chocs venant du sol.

Freinage sur jante

Autre évolution conséquente : le freinage. Des modèles de freins « cantilever » sur jante à leurs cousins à disque, en passant par les V-Brakes, le progrès est évident. Le Cilo était muni de cantilevers XTR et « cela fonctionnait franchement pas mal du tout, même si ce n’était pas génial sous la pluie ».

Le changement le plus visible se situe peut-être au niveau de la transmission. De trois plateaux du groupe XTR de l’époque (26–36–46) et huit pignons à l’arrière (12–32), on est passé à un plateau unique de 32 dents une cassette de onze pignons étagés de 10 à 42 (!) dents sur le groupe Sram XX1 de 2013.

Sur le Cilo on trouve des manivelles de 170 mm. «Il ne fallait rien changer par rapport à nos habitudes sur route », explique l’ancien champion. Les pédales étaient déjà des modèles SPD de Shimano. Aujourd’hui, la longueur « standard » des manivelles est de 175 mm et le Specialized ne déroge pas à la règle.

Périphérique de choix

Le carbone était déjà présent sur le Cilo de 1992, avec un cintre « Barflex » supposé offrir un peu de confort au pilote par ailleurs bien « couché » sur l’avant de son vélo. La potence ITM en titane, interminable et plongeante n’arrangeait rien en l’occurrence. Rien à voir avec la position plus relevée et confortable des montures actuelles, munies d’un cintre large pour un meilleur contrôle.

Sous contrat avec Cilo, les coureurs n’avaient guère le choix du matériel et «on ne se posait pas trop de questions. On hésitait peut-être sur le choix des pneus, mais c’était tout. Le poids? On n’y pensait même pas. De toute manière, il n’y avait pas mieux chez Cilo, même si on se disait que les cadres étaient bien lourds et peu chers par rapport à la concurrence.»

Pour le client final, le prix a suivi la courbe inverse du poids du vélo. Il fallait débourser quelque 4500 francs pour le sommet de gamme en 1992. Aujourd’hui, le Stumpjumper S-Works s’affiche à 8799 francs. Et en cherchant un peu, on trouve plus cher…

Article publié dans le Vélo Romand Magazine 34 – Avril 2013